CHAPITRE 12

Chelem m’a appelé vers vingt trois heures trente. Je commençais juste à m’endormir et je l’ai silencieusement maudit. Il m’a donné rendez-vous sur Strand View à une heure. Cela me laissait le temps de vérifier une dernière fois que ma veste d’ombre fonctionnait bien.

J’ai mis des rangers et un pantalon large et je me suis attaché les cheveux dans une petite queue de cheval. Pour sur en me regardant dans la glace je n’étais pas très féminine. Mais je mets au défi quiconque de mon sexe de se balader autrement sur Strand en pleine nuit… ou alors seulement pour y exercer le plus vieux métier du monde avec en sécurité un bon vieux proxo des familles dans le coin pour éloigner les problèmes.
Le Strand c’est le cœur de la nuit de Ouang… le vrai je veux dire, pas celui des touristes. Parce que le leur il bat sur Smith. Oh il est peut être plus lumineux et plus clinquant mais il ne vaut pas Strand. Là on respire la vérité de cette ville, son électricité et son rythme. C’est violent comme un riff de guitare. Saturé comme un larsen de Marshall. Brutal comme l’autoroute vers l’enfer. Violent diront ceux qui n’aiment pas cette ville… moi j’aime cet endroit parce que la seule chose que l’on y risque vraiment c’est de se retrouver face à face avec sa vraie nature. C’est sur Strand que l’on sait si l’on est de la race des seigneurs ou de celle des loosers.
Le jour des mes dix sept ans mon petit ami de l’époque m’y avait emmené pour la première fois de mon existence. Je connaissais l’endroit par ce qu’en disaient la télé et le net, par les remarques de mon père et l’interdiction qu’il m’avait faite d’y aller.
J’étais heureuse. Inquiète, excitée et heureuse. Juste devant le Majestic, le multiplex cinéma, trois types nous étaient tombé dessus pour nous dépouiller de nos blousons et de notre fric. Mon copain n’avait pas bougé une oreille. Tétanisé par la trouille. Moi j’ai écrasé ma cigarette dans l’œil gauche du type qui s’était penché vers moi avec un petit sourire pour baisser la fermeture éclair de mon flight jacket.
J’ai toujours sut qui j’étais.

Photo François.Kenesi

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