CHAPITRE 5


Le carrefour San-Tse-Smith c’est le cœur de Ouang Schock. Le Smith tout d’abord, douze kilomètres rectilignes d’Est en Ouest, bordé de casinos avec leurs vagues de lumières qui dégueulent sur le trottoir, leurs parterres animés d’un ballet de limousines, d’un spectacle caraïbes ou de la prise d’un château fort. Des buildings de cent, cent-cinquante étages, en verre et acier enchâssés, brillants sous le soleil en reflets bondissants d’une fenêtre bleue à un vitrail Tsing Tao, les nuages effilochés dans les pistes d’atterrissage des hélicoptères sur les toits. Deux rangées de Ginko tout le long du Smith avec au centre, le tramway 1 qui court tout le long de la ville de Baijang Bay à Circle 1. Des cents et des milles de piétons qui remontent le Smith et écrasent leurs petits nez ronds sur les vitrines triples X et le bazar des prêteurs sur gage. Les roulottes à hot-dog, les marchands de chiens. Les cavernes SEGA d’où jaillissent les cacophonies virtuelles d’un monde de guerre et de sport extrême, les bars à Tapas, les sushis bars, les cocktails lounge, les lanternes rouge, les bordels à vraies filles, les bordels à latexgirl et latexboy, les discounts spirit, les multiplex cinémas et les salles de concert. Des Indu en file indienne aux stations et une myriade d’autres en maraude en quête du client à driver d’un coin à un autre de la ville et parfois les limousines atmosphériques des vrais maîtres de Ouang.
Et en son plein centre, comme une saignée d’ombre, le San-Tse qui le coupe perpendiculairement. Majestueux et méprisant dans ses livrées victorienne. Une avenue d’un autre temps, celle du maître suprême : le général Yun San-Tse. Des immeubles en pierre et briques, avec des perrons sous tonnelles, des langues d’herbe verte devant les façades. Des magasins plus ternes, plus discrets mais dont les prix explosent au portefeuille quand on ose y faire un achat. C’est l’avenue des administrations et des seigneurs de Ouang. N’y vit que celui qui possède la patte blanche magique : l’℮-M℮ Black Magic avec crédit illimité.
Les touristes ne la remontent quasiment jamais cette avenue sombre, car ils ne cherchent que la lumière sans jamais s’intéresser à ceux qui la produisent. Mais peu importe.
Le carrefour explose sous les hordes de visiteurs… car il y a six autres avenues qui débouchent à ce carrefour dont le Strand View en direct de la gare. Une gare de tram, trois lignes de métro et six arrêts de bus. C’est le déversoir à humain cette place. Et sur les façades des immeubles qui la bordent s’étalent des dizaines d’écrans géants qui crachent de la pub 24/24.

Photo François.Kenesi

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